Claudine Houriet

Claudine Houriet vit et travaille à Tramelan. Elle est peintre et écrivaine. L’écriture lui permet une évasion dans l’imaginaire, une étude approfondie de l’âme humaine, champ d’investigation infini. Dans sa peinture, douceur et véhémence se côtoient. L’affrontement ou l’harmonie des formes et des couleurs sont un écho à une musique intérieure. L’artiste chante la beauté du monde ou exprime son désarroi et son indignation devant sa cruauté, son injustice.

Dans un vingtaine de nouvelles de son dernier ouvrage, Des vies en clair-obscur, l’auteure confronte des oeuvres d’art à son imaginaire et en propose une interprétation insolite. Avec le clair-obscur cher aux peintres comme aux écrivains pour nuancer les émotions humaines. L’ouvrage sera téléchargeable gratuitement début 2026.

Il est en vente en librairie au prix de CHF 25.- dès le 29 septembre 2025.

Voici comment l’écrivaine a présenté son livre lors d’une soirée-lecture à la librairie du Pierre-Pertuis à Tavannes le 17 septembre 2025.

Une citation d’un auteur islandais, Jon Kalman Stefansson, m’est chère : « Certains mots sont probablement aptes à changer le monde, ils ont le pouvoir de nous consoler et de sécher nos larmes. Certains mots sont des balles de fusil, d’autres des notes de violon. Certains sont capables de faire fondre la glace qui nous enserre le cœur (Kafka l’a dit déjà) et il est même possible de les dépêcher comme des cohortes de sauveteurs quand les jours sont contraires. »

L’art a illuminé ma vie, les livres l’ont agrandie. Ils occupent les parois de notre appartement, semblables à un rempart protecteur. Ils sont mes compagnons de route, ma passion première. Je caresse leurs dos, dialogue avec eux. La lecture m’a certainement menée à l’écriture. Les deux démarches, écriture et peinture, m’ont accompagnée ma vie durant, devenant, au fil des années, une nécessité. Le travail de création, s’il est âpre souvent, fait de doute et d’incertitude, m’a procuré des moments d’intense bonheur. Je suis une femme de passion. L’âge est venu, la passion ne m’a pas quittée.

Dans ce recueil de nouvelles, Des vies en clair-obscur, coexistent la peinture et l’écriture. Le clair-obscur est d’ailleurs un terme de peintre. Par hasard, je suis tombée sur une pile de cartes reproduisant des œuvres d’art. Achetées un peu partout dans les musées visités au cours de mon existence. Une idée a jailli… Que suggéraient-elles à mon imaginaire ?

Elles me rappelaient certes des œuvres magnifiques, qui m’avaient fascinée. Mais pourquoi ne pas oublier totalement l’intention des artistes qui les avaient conçues ? Pourquoi ne pas me fier à l’effervescence qui grandissait en moi ? Et m’habite quand se dessine, vague, fragile, vite rompu, le fil qui me conduira à un nouveau projet. Au cours des mois qui ont suivi, des créatures aux contours encore vagues se sont approchées, peu à peu plus précises. Je dois attendre que mes personnages deviennent des êtres véritables pour commencer mon travail. Je peux alors m’identifier à eux. Ensuite, ce sont eux souvent qui m’emmènent là où je n’avais pas toujours l’intention d’aller. « L’écriture est un art d’oiseleur et les mots sont en cage avec des ouvertures sur l’infini », a dit Cingria.

Dans son petit essai, L’urgence et la patience, Jean-Philippe Toussaint explique bien la situation de l’écrivain, qui doit canaliser la montée d’adrénaline d’une soudaine inspiration pour la mettre en mots avec patience, persévérance, discipline. Mes livres sont des fictions, mais les sentiments qu’ils tentent d’exprimer sont inhérents à la condition humaine.

Les seuls personnages qui m’intéressent sont ceux qui ont une faille, une fragilité. Mon arbre préféré est le tremble, tout en frissonnements, comme j’aime le tremblement intérieur des êtres. On retrouvera dans ce recueil mes thèmes de prédilection :l’amour, le mystère de l’âme humaine, l’angoisse devant l’avenir, une ouverture sur le fantastique, l’irrationnel.

De plus en plus devient poreux pour moi l’espace séparant les vivants et les morts. Mes disparus m’accompagnent, me parlent, me soutiennent. Et je me rapproche d’eux sans crainte.

L’art est un questionnement, un chemin, une façon de dire « j’existe ». Une sorte de défi, de tentative désespérée de retenir les jours, d’embrasser l’éphémère. L’art est une forme d’alchimie. On ne sait pas toujours pourquoi un texte est bon alors qu’un autre ne l’est pas. Pourquoi le premier dégage la lumière qui convient alors que le deuxième reste muet.

Pourquoi un tableau qui s’annonçait réussi, paraît vide de ses promesses une fois terminé. Et pourquoi cet autre, à l’élaboration difficile, qui nous réservait amertume et déception, se pare soudain de l’éclat tant poursuivi.

J’aimerais être, dans mon travail de peintre et d’écrivain, une sorte de chantre de nos vies, à la fois si précieuses et dérisoires, toutes soumises au même régime de rires et de larmes, toutes emportées par le temps inexorable. Eléonore Sulser, journaliste au quotidien Le Temps a écrit : « Certes, l’art et la poésie pèsent de peu de poids sur les bouleversements du monde. Mais, lorsqu’on avance dans le brouillard, leur importance, leur nécessité s’impose. (…) Ne pas oublier de lire, d’écouter, de regarder, d’apprendre, de penser. Ne pas oublier d’embrasser la complexité et de demeurer dans la beauté des choses. »

Et, avant de terminer, j’aimerais exprimer ma reconnaissance à mon éditeur Daniel Musy. Voir mon ouvrage illustré par les reproductions qui l’ont inspiré était un rêve. Grâce à Daniel, ce rêve s’est réalisé. En plus, notre rencontre a été le début d’une belle amitié.

La deuxième nouvelle de l’ouvrage, Celle qui reste, est ici gratuitement téléchargeable.

« Au début de chaque nouvelle, une image d’une œuvre d’art nous permet d’ouvrir notre imaginaire à la fiction qui va suivre. Les personnages eux-mêmes décrochent de leur réel pour entrer, chaque fois de manière différente, dans la toile, la fresque, la gravure ou la sculpture. L’écriture, tantôt délicate, tantôt pointue, se déploie comme un pinceau sur une toile. » (Daniel Musy, éditeur).