Vernissage de « Vieillesse mon beau souci »

Le 12 septembre au stand des Éditions, à la foire du livre du Locle, a eu lieu le vernissage de Vieillesse mon beau souci.

Voici le discours de Louis – Georges Gasser, ancien éditeur et fondateur de la foire du livre.

Chers Amis de la foire du livre du Locle, 

Ce n’est pas en tant que créateur d’une maison d’édition ou responsable de la foire du livre ou encore imprimeur – mais tout simplement comme citoyen des Montagnes Neuchâteloises – que je m’adresse à vous à la demande de la famille Kaufmann. 

Bien entendu je parlerai à nouveau, à la fin de mon bref exposé, du livre qui sort aujourd’hui aux Éditions sur le Haut de Francis Kaufmann et Evelyn Gasser – Clerc, ici présente. Soit dit en passant, nous ne sommes pas de la même famille ! 

Je m’exprimerai donc aujourd’hui sur le premier et le dernier livre de Francis sur lesquels nous avons travaillé.

Mais revenons-en, si vous le voulez bien, au tout début des relations éditoriales avec Francis, et à mon premier ouvrage en tant qu’éditeur. C’était entre 2002 et 2003. A cette époque, ont eu lieu les premières foires du livre du Locle.

Le titre de l’ouvrage “Changement d’ère” épelé : d’è r e et non d’a i r, nous parle de l’évolution de l’agriculture au courant du 20ème siècle ; livre d’ailleurs largement illustré.

Je me souviens que Francis avait demandé loin à la ronde à la plupart des agriculteurs de notre région de lui prêter les photos qu’ils possédaient. Il y en avait de toutes sortes : celles dans les champs au travail avec les chars à foin bondés – les femmes en chapeau de paille et longues robes étaient accompagnées d’une fourche -, celles écornées, ou encore les photos avec le grand-père et la grand-mère de grandes familles de 17, 15, 13 enfants prises au début du 20ème siècle.

 Il y en avait des petites, des grandes, des troubles aussi. Certaines étaient en couleur, d’autres en noir et blanc. Francis en avait récolté des centaines, voire plus. Il était venu me voir seulement avec celles qu’il avait choisies. Il savait ce qu’il voulait. Bien déterminé à m’imposer sa manière de voir avant le début de la mise en page, il avait déjà son livre dans sa tête.  

Cette photo, il la fallait avec ce texte, là, et pas autrement. Cependant rapidement, je me suis senti à l’aise malgré les contraintes. C’était un homme de dialogue qui savait écouter, et si mes arguments étaient valables, il revenait le lendemain et me disait : – Fais comme tu penses ! (sans commentaire). 

Ce livre a eu un grand succès. Avec une impression de 1’000 exemplaires dans un prenier temps, nous l’avons réédité. Tout est parti aussi vite. En travaillant sur ce premier ouvrage, le métier d’éditeur me semblait simple.

Pas de problème, à moins de 50 ans, la vie est encore devant moi ! Je me suis dit : « Louis-Georges, tu peux y aller, tu peux foncer ; ce métier me semble facile ». Détrompez-vous, c’était sans compter sur le travail de Francis qu’il avait effectué en amont. Tous les contacts, toutes ses connaissances à qui il avait proposé de l’acheter. Cette première expérience fut un succès, certes.  

Par la suite, ce métier se révéla beaucoup plus difficile et périlleux que je ne l’avais pensé.

Le livre qui sort aujourd’hui, plus de 15 ans plus tard, est différent. 

Dans les années 2017-2018, j’avais un comité de lecture responsable qui a choisi de donner à Francis Kaufmann le dernier prix Gasser pour l’ensemble de son œuvre. Pourquoi ne pas le nommer personnellement ici ce comité, il y avait : 

Catherine Louis, Anne Grau, Michel Schaffter, Marie-Louise Matthey, Marlyse Maire et Francis Bärtschi qui sont présents ici, et à qui je dois beaucoup. C’est Francis Bärtschi qui a reçu le premier le manuscrit, c’est lui qui a entretenu les contacts avec Evelyn Gasser – Clerc jusqu’à aujourd’hui et avec Francis Kaufmann jusqu’à sa mort. Merci Francis Bärtschi.

Pour ma part ce livre est un vrai coup de cœur !Pourquoi ?  

D’abord, le manuscrit est resté dans un tiroir. Pourtant, comme l’a écrit Balzac : « On ne fait d’omelette sans casser des œufs ». Promesse non tenue, je sentais un malaise en moi. La promesse faite entre nous, parmi des feuilles manuscrites étalées sur le lit de Francis à la Chrysalide :

    – Louis-Georges, tu le sortiras ce livre ? – Oui Francis, bien sûr que je le sortirai.  

C’est comme un paysan qui tape la main d’un autre lors de la vente d’une vache. Affaire conclue. Et pourtant jusqu’à ce jour, il n’était pas paru.

Je suis du Haut Jura, élevé dans une famille de protestants calvinistes. Quand on dit quelque chose, on le fait. On tient parole… Aujourd’hui, je suis soulagé,Francis. Si tu me vois, le livre est là, il a paru. Je le tiens entre mes doigts. 

Pour moi, un ouvrage comme celui-là, c’est beaucoup plus qu’un livre, c’est une histoire d’amour entre deux personnes qui se rencontre à l’automne de leur vie. C’est un morceau de vie. Que peux-t-on attendre de cet ouvrage ? Beaucoup ! L’amour n’a pas d’âge…

Je vous remercie :- Vous d’abord les auteurs, Francis – en espérant que tu m’entendes, et Mme Evelyn Gasser-Clerc qui avez vécu cette aventure et m’avez appris ce qu’est un acrostiche.- La famille Kaufmann ensuite, et en particulier Pascal, qui m’a remplacé pour la relecture en traquant, avec l’éditeur, les moindres erreurs d’orthographe, et qui a œuvré pour que cet ouvrage sorte.- Guillaume, petit-fils de Francis, pour ses magnifiques prises de vue photographiées souvent très tôt, aux premières heures de la journée, lorsque je dormais encore.-L’éditeur, M. Daniel Musy, accompagné de son épouse Sylviane, des Éditions Sur le Haut, de La Chaux-de-Fonds. Elle suit et insiste pour que leurs parutions soient imprimées dans la région et non en Chine.-Mme Claire Jaquier, qui a si bien écrit la préface.- La graphiste, Joanne Matthey, pour le talent et le goût qu’elle a apportés à la premire page de couverture ; ainsi que pour la conception graphique de cet ouvrage.- L’imprimerie Monney Service, qui est la plaque tournante de ce dernier.- Enfin, Francis Bärtschi, mon bras droit, à qui je dois beaucoup et qui m’a toujours soutenu.

A m i s    à    J a m a i s  par Mme Evelyn Gasser 

Amis pour la vie nous étions, 

Malgré la différence d’âge 

Il n’en était jamais question 

Seuls nos vers étaient notre adage 

Aujourd’hui, tout s’est arrêté 

Je n’aurai plus le temps d’écrire 

Après mon départ imprévu, 

Ma mémoire il faut honorer 

Avec toi la vie était simple 

Il fallait garder le sourire

Voici le discours chaleureux que Pascal Kaufmann, le fils de feu l’auteur, a prononcé.

Vieillesse, mon souci. Qui est vieux ? Et où est le souci ? Peut-être de savoir si le boustrophédon est un vieux serpent préhistorique ? En tout cas, c’est un très joli mot. Mais, il s’agit en réalité d’une écriture sans interruption qui va de ce gauche à droite et revient de droite à gauche et ainsi de suite sans revenir à la ligne. Le boustrophédon est donc bien un serpent; le serpent de l’écriture et le sens de l’écriture est bien le thème du jour.

Il y en a qui vont, comme chez nous de gauche à droite ou de droite à gauche comme dans les pays arabes par exemple. Mais celle qui nous intéresse aujourd’hui, c’est celle qui va comme les acrostiches, verticalement comme cela se pratique encore couramment en Chine ou au Japon pour ne citer qu’eux. D’ailleurs, on peut se demander à quoi ressemble les acrostiches chinois.

Chacun de ces modes d’écriture révèle plus ou moins un tempérament propre allant de l’introspection pure jusqu’ à la fuite en avant en passant par ou des zones dépressives ou même carrément euphorique.

Mais à vrai dire la plus étrange et méconnue des écritures est celle qui va de bas en haut. Cette écriture-là,  elle n’est pas enseignée à l’école, on l’apprend d’un coup, brusquement quand un être cher disparait.

Elle est un peu comme une échelle invisible, l’orthographe n’y a plus d’importance, on peut mettre un ‘s’ à hibou, dire cafignon et petzer en paix.

En 2017, ici même à la Foire du Livre du Locle, sous un soleil éclatant, Francis recevait le prix  Gasser remis par Louis-Georges, qui soit dit en passant, avec son comité de lecture a toujours soutenu Francis en tant qu’auteur.

Si au cours de la séance de dédicaces qui suivit, on put remarquer quelques pannes de lucidité dues à la maladie, Francis rayonnait de plaisir. Sans doute attendait-il cet ultime moment de reconnaissance. Quelle journée lumineuse. Ce jour-là, il avait encore décrété que rien ne pouvait lui arriver tant que son dernier ouvrage se serait pas édité.

Puis, les choses sont allées très vite. Pour le rassurer, la famille lui fit la promesse que quoi qu’il arrive le livre, co-écrit avec Evelyn serait imprimé. Ensuite, très vite, Francis a finalement du grimpé à cette fameuse échelle et  rejoindre sa tendre épouse. Les choses en sont restées là, un certain temps, tenu à l’ombre d’une promesse. Puis, peu à peu, comme si Francis orchestrait tout depuis son là-haut, toute une série d’évènements manigancée d’on ne sait  où, se sont succédé.

La rencontre avec Daniel Musy, la création des Éditions Sur le Haut qui en découle, et l’équipe qui s’est formée autour. Enfin, tout pour arriver à aujourd’hui, ici au Locle dans l’antre de Madame Judith Collet et de son équipe, avec ce magnifique ouvrage “Vieillesse mon beau souci” qu’il vous sera possible de faire dédicacer par Evelyn tout à l’heure.

Il y a la précieuse préface de Claire Jaquier, le travail de graphisme remarquable de Joanne Matthey, l’équipe de l’imprimerie Monney, les magnifiques photos de Guillaume… Francis lui disait “t’irais pas vite faire des photos aux Bugnenets ou au Maillard” mais on voit à leur qualité que pour prendre ces clichés, Guillaume a dû bien rogner sur sa disponibilité. Il y a aussi l’aquarelle de couverture de Lisa qui présage au mieux de l’esprit du livre.

Encore un mot sur le contenu du livre, cette correspondance épistolaire sous forme d’acrostiches. Vous serez surpris par la façon originale que les complices d’occasion, les auteurs, ont de s’expliquer en répons;  par exemple, il y a la scène où on les entends cousiner entre Parel en comptant les pieds, fredonner en rimes sur les berges de l’étang de Gruère ou dire en vers, la tristesse de perdre un ami… ou de se goinfrer en poésie, de chocolat fut-il du Camille Bloch.

Et puis, il y a, à chaque chapitre, une description du lieu visité, un texte de situation ou l’on sent l’attachement des auteurs aux paysages jurassiens et cette façon de rendre hommage à ceux qui ont façonné l’âme. Des mots simples posé sur les pages de “Vieillesse, mon beau souci” exactement à l’endroit où l’écriture prend tout son sens.

Auteur : Daniel Musy

Né en 1956 à La Chaux-de-Fonds (CH).Y vit et y a enseigné le français, la philosophie et l'histoire de l'art au Lycée Blaise-Cendrars jusqu'en juillet 2018. Conseiller général socialiste de 2004 à 2016.

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