Dans le Salon bleu du Bleu Café à Neuchâtel a eu lieu le vernissage de recueil de poèmes de Denis Gabriel Müller, Poèmes nomades.
L’éditeur, Daniel Musy, a présenté le concept des Éditions SUR LE HAUT. Partant de la couverture du recueil, illustrée par un dessin de la petite-fille de l’auteur, Zoé, il a évoqué la notion de nomadisme, des déplacements continuels qui caractérisent ce recueil. Déplacements d’un lieu à l’autre (la Suisse, la France, la Belgique, l’Allemagne, la Dalmatie, la Tchéquie, la Grèce, l’Afrique du Sud). Déplacements d’un chapitre à l’autre, de l’intime au projet poétique de Denis Müller, de silhouettes esquissées en prises de position affirmée sur la guerre en Ukraine … ou sur notre belle République neuchâteloise.
L’auteur a ensuite parlé de sa vie et de son livre en ces termes :
Madame, Monsieur, chers amis
J’ai trois choses à vous dire. La première est brève, les deux autres plus longues. J’en ai pour 20 minutes, merci à Joanne de me faire signe à la 19e minute, juste avant le temps additionnel, comme on dit au stade de la Maladière.
- Le don des larmes
Messieurs, écoutez-bien : les hommes aussi pleurent parfois. Si cela m’arrive aujourd’hui, ce sera de la joie et non de la tristesse. Je vous renvoie à mon avant-dernier livre, Tristesse et métaphysique terrestre, aux éditions du Cerf.
- Quelques dates mémorables
19 décembre 1914 : naissance de mon père, Gabriel Müller dit Pompon (décédé en 1970, l’année de la fusion entre les Bleus (Le FC Cantonal, les Bleus (Blue Velvet, Sonia !)) et Xamax, équipe de deuxième ligue. Mon père était contre. Vous trouverez sur le bar le livre d’or de Pompon.
Mon père aimait aussi le hockey sur glace. Les Young Sprinters of Newcastle jouaient dans la composition suivante : Ayer ou Neipp ; Milo Golaz, Übersax ; Hervé Pethoud, qui vient de nous quitter, et Renaud ; Francis Blank, Orville Martini, Gian Bazzi. J’ai oublié les autres.
3 novembre 1921 : naissance de ma mère, Yvette May Steiger, de la Chaux-de-Fonds ; sa mère, que je n’ai pas connue, s’appelle Virginia Barozzi, de Novaggio, Ticino. Pout qui d’entre vous ne l’aurait pas deviné, j’ai donc du sang italien et tessinois dans les veines.
12 avril 1946 : naissance de Nouchka (54 ans de mariage).
21 décembre 1947 : naissance de Denis Gabriel Müller et 21 décembre 1977 : naissance de Emmanuel Macron, l’excellent président français (c’est un socialiste suisse qui vous le dit, au risque de se faire flinguer par le PS).
1954 : mon premier match de football. Championnats du monde de football en Suisse, l’Allemagne bat la Hongrie de Puskas et Koksis 3-2 (le miracle de Berne). Mon père était-il à la Pontaise le jour de la Victoire de l’Autriche contre la Suisse de Studer, Ballaman et Hügi II ? I dont know. But for sure, it was the higher score of all times.
1958: Victoire de Pelé, 17 ans, en Suède. Juste Fontaine marque 13 buts pour la France. Encore un record. Je suis devant la télévision de Claude Péclard, un petit camarade d’école, car nous n’avons pas les moyens d’en acheter une.
5-6 décembre 1969 : mariage à la chapelle de l’Ermitage. Un protestant, une catholique belge de Lubumbashi (ex-Congo belge).
1970, 1972, 1973, naissances d’Olivier (fondateur du NIFFF), de Pascal (barman et œnologue distingué) et de Joanne (éducatrice de la petite enfance et kinésiologue, la caissière du jour, née sur le Haut, au Locle plus précisément (voir le livre de Caroline Calame, NRN). 6 petits-enfants dont Zoé, ici présente, passionnée de dessins et de mangas (voir ses carnets de dessin, au bar également).
1971-1973 In London fair city, where the girls are so pretty. Animateur de jeunesse à l’Eglise suisse de Londres.
1977-1986 : directeur du Louverain (où Annick remplace le cuisinier de temps en temps). Elle connaît l’art des feuilletés et des confitures exotiques et originales, à déguster au Baron.
Samedi 12 décembre 1981, 6 heures du matin : la petite famille Müller prend le petit-déjeuner au Baron, le jour de la prise du pouvoir du général Jaruselski en Pologne : à 10h, devant 200 personnes, soutenance de thèse à l’Université.
1986-1988 : pasteur à Serrières, dont je fus junior B à 16 ans. Encore le foot !
1988-2013 prof. d’éthique et de théologie aux Universités de Lausanne puis de Genève.
18 mars 1998 : création du journal Le Temps.
Mars 2004 : Lauréat du Prix de l’Institut neuchâtelois.
Ouf ! N’en jetez plus.
2. Pourquoi j’écris des poèmes nomades
Je suis un fan de poésie : Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Hugo ; Brassens, Eluard, René Char, Philippe Jaccottet, Gustave Roud, Rainer Maria Rilke ; Milton, Yeats ; Hölderlin, Trakl.
Nous sommes des nains sur les épaules des géants. Voici trois géants :
Baudelaire, Les Chats
Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.
Amis de la science et de la volupté,
Ils cherchent le silence et l’horreur des ténèbres ;
L’Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S’ils pouvaient au servage incliner leur fierté.
Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin ;
Leurs reins féconds sont pleins d’étincelles magiques,
Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin,
Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal
Victor Hugo (après la mort de sa fille Léopoldine)
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Paul Verlaine enfin, écoutez la musique ici aussi
Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon coeur
D’une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure
Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.
Paul Verlaine, Poèmes saturniens
3. Depuis 40 ans, j’écris des poèmes dans des cahiers d’écolier ou dans des moleskine. Rarement des alexandrins, plutôt « de petits poèmes en prose ». Sur l’amour, les femmes, les amours homosexuelles de l’adolescence, les enfants ; la vie, la mort, la guerre.
Je vous renvoie au poème du Louverain, dédicacé à la mémoire de Pompon Müller, au poème récent sur Vauseyon et le baron de Pury qui, en 1968, alla pisser chez les hommes avant de remonter sur son socle à partir des toilettes femmes. Et, last but not least, à l’épilogue ukrainien, contre ce grand criminel de guerre qui s’appelle Vladimir Poutine. J’y parle même d’une jeune ukrainienne prénommée Xénia.
Suis-je poète ? Amis lecteurs et lectrices, à vous de juger.
Merci de votre attention.